Petites histoires
Participation des communautés, des ambitions aux réalités
Ceci relate une de mes expériences alors que j’étais animateur local d’une ONG.
«Automne, 2001, Midjannangan s’éveille. La symphonie des chants des cops, des bruits de la brise matinale et des vagues agitées du fleuve Ouémé contrastait d’avec les évènements de la veille, comme pour annoncer un évènement exceptionnel. Ce jour était apparemment un jour de grâce. Midjannangan devait recevoir des «jŏnò à to hɔntò. L’importante réunion prévue avait démarré ce mardi 18 septembre 2001 autours de 11h 30 minutes. Sous le hangar, au milieu de la foule silencieuse, un homme de 1,90 m environ, teint clair, visage ovale, tête plate, corpulent, regards francs, tout de blanc vêtu, un calepin et un stylo à la main, faisant des mouvements ondulatoires entre la population et les membres de la délégation, prononçait le plus important des discours prévus: «Moi c’est SƐDϽNUDE GBENUKPO, je travaille dans l’ONG «Hἕnnὑgbέ» qui a reçu mandant de l’ONG américaine World Learning, maître d’œuvre d’un projet financé par l’USAID, pour échanger avec vous afin d’annoncer le nouveau projet que nous allons conduire avec vous. Vous savez vous-mêmes, qu’il faut les cinq doigts de la main pour saisir de façon franche un objet? De même, nous ne pouvons pas connaître un développement si nous ne valorisons pas les femmes, si nous ne cessons pas de les marginaliser et si nous n’inscrivons pas nos enfants, notamment les filles à l’école. Nous savons qu’ici à Midjannangan, vous faites déjà des efforts, n’est-ce pas? Nous allons vous accompagner dans vos efforts, car le Projet «Acὲviton» qui vise à œuvrer pour tout cela surtout en luttant contre les handicaps à l’éducation des enfants, notamment des filles. Si vous acceptez de conduire ce projet avec nous, nous ne ferons rien sans vous. Nous mettrons sur pieds un «Comité Local Représentatif (CLR)» dont vous désignerez vous-même les membres. Ce comité aura pour mission d’identifier les causes de la faible scolarisation des filles et les solutions pour y remédier. Les causes à identifier peuvent être tant scolaires qu’extra scolaires. L’ONG l’assistera via ses animateurs dont celui chargé de votre village est ici présent. Elle l’appuiera à aller contre ces causes. Chaque CLR aura 500 dollars Us soit approximativement 350 000f CFA» pour conduire une action de son choix ».
Midjannangan opta pour des crédits aux femmes, afin de les aider à conduire des AGR et à faire face aux dépenses scolaires de leurs filles. Seules les femmes qui avaient inscrit des enfants à l’école y avaient droit. La demande fut forte. Les règles de distribution furent établies, puis constamment contournées sans que réellement en tant qu’animateur local, je ne puisse réagir. Les femmes membres du CLR, les femmes des hommes membres du CLR et les femmes proches des membres du CLR étaient privilégiées, sous prétexte qu’elles seraient plus faciles à contrôler en termes de remboursement. Comme nous avions aussi un objectif à atteindre en ce sens, j’ai dû fermer les yeux.
Dans la foulée, le village bénéficia dans le cadre du Programme National du Développement Conduit par les Communautés (PNDCC) d’un appui pour la réalisation d’un module de trois classes. Pour l’occasion, une Association Villageoise de Développement (ADV) fut installée dont la plupart des membres CLR étaient membres. Le CLR contribua à hauteur de près de 70% à la contrepartie villageoise.
Ce projet «Acὲviton» fut évalué en fin de phase comme une approche réussie.
A Midjannangan, les parents continuaient à laisser les filles d’âge scolaire partir travailler au Nigéria, et celles-ci, attirées par les parures que ramenaient leurs aînées lorsqu’elles revenaient au village à l’occasion des fêtes de fin d’année, abandonnaient toujours les bancs.
Midjannangan n’est qu’un village parmi la multitude qui à travers le monde depuis la fin des années 1970 sont pénétrés et traversés quotidiennement par les projets qui se déclarent « participatifs ». Le discours lui-même témoigne de cette vision paternaliste de la participation qui avait cours alors et qui interdisait d’emblée tout dialogue puisque le projet arrivait en décidant de ce qui était souhaitable car bon pour les gens, ce à quoi les populations allaient participer et comment.
N’y avait-t-il pas eu d’autres formes de participation que celle assez manipulatrice de ce projet ? Un petit balayage sur le concept de participation et son histoire s’imposait. Pour en savoir plus, aller dans la rubrique Projets & Intervenants…
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