Petites histoires
Comment les jeunes femmes de Ouaké vivent la migration
A Ouaké, beaucoup de filles partent travailler comme domestiques et préparent ainsi leur trousseau de mariage avant la cérémonie qui les fait entrer dans l’âge adulte. La plupart se font placer par des intermédiaires appelées « waka » qui écrèment leurs gages. Certaines n’en connaissent même pas et partent à l’aventure. Voici quelques unes de leurs histoires.
« J’ai fait deux ans à Niamey. J’ai suivi une Waka qui à pour surnom Mamie. C’est elle qui avait payé mon transport, m’a trouvé le travail (domestique dans un ménage) et a négocié mon salaire. Je vivais chez mes patrons et j’allais juste lui rendre visite quelques rares fois. Elle venait tous les trois mois chercher mon salaire qu’elle gardait. A la fin de mon séjour, lorsque j’ai voulu rentrer, elle m’a fait quelques achats (pagnes, ustensiles de cuisine et une valise) et ne m’a même pas remis un seul franc en plus. Je suis persuadée qu’elle m’a brimée et que même les achats qu’elle a effectués ne valent pas la moitié de mon cumul. Elle m’a volée et bafouée. Je ne l’ai plus suivie la deuxième fois que je suis partie et je lui ai fait une mauvaise publicité. Nous sommes nombreuses à avoir connu cette déception de la même Waka et nous l’avons ruinée. D’ailleurs, personne ne la suit plus pour aller en migration. »
« A 14 ans, j’étais allée à Parakou pour travailler comme domestique dans des ménages pendant cinq ans. C’est ma sœur Amina qui m’a amenée là-bas. Elle était placeuse et trouvait du travail aux jeunes filles qu’elle amenait en ville. Elle venait tous les cinq mois prendre le cumul de mon salaire qu’elle remettait soit disant à nos parents. Grande fût ma surprise à mon retour de constater que ma propre sœur s’était enrichie sur mon dos. Elle ne donnait presque rien aux parents et avait dépensé tout mon argent. Le peu qu’elle leur avait donné ne pouvait même pas suffire pour m’acheter un trousseau de mariage (pagnes, habits, ustensiles de cuisine, bijoux, …). Hors de moi, j’étais rentrée faire ma cérémonie d’Akpéma pour me marier après. J’étais tellement remontée contre elle que j’ai amené l’affaire devant le chef de famille et devant les chefs traditionnels du village. Elle a pris l’engagement de me rembourser petit à petit mon argent mais jusqu’aujourd’hui elle ne m’a pas donné un seul petit franc. Elle m’a traitée exactement comme toutes les filles qu’elle place et pire encore. C’est la triste réalité que nous vivons nous les jeunes migrantes qui passons par des intermédiaires pour trouver du travail en ville ».
L’identification d’une opportunité d’emploi sans passer par une intermédiaire est aussi pleine de risques!
« Après avoir pris ma décision, je me suis renseignée auprès de certaines filles qui sont revenues de migration et j’ai opté pour Cotonou. Je ne connaissais personne là-bas, mais je ne pouvais plus supporter notre misère au village. Arrivée à Cotonou, j’ai négocié avec les chauffeurs de chez nous et je dormais sur le parc dans leur voiture dans le marché Dantokpa. J’allais faire ma toilette à côté chez les bonnes dames. Je n’avais pas trop de chance parce que le jour même de ma venue je n’ai pas trouvé de patronne. Ce n’est que le cinquième jour que j’ai rencontré ma patronne qui m’a engagé et ramené chez elle. »
Source: Kuakuvi, Ludmila Yolande. 2009. « Migrations dans un contexte de réduction de la pauvreté : cas de la commune de Ouaké ». Thèse d’Ingenieur Agronome. Parakou, Bénin: Faculté d’Agronomie.
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