Individus & ménages
Positions
Malgré une croissance de la production plus importante que celle de la population et une amélioration de l’accès aux biens publics essentiels (eau, éducation primaire, soins de santé primaire), les indicateurs de pauvreté et de sécurité alimentaire ne s’améliorent pas comme attendu.
Pour pouvoir analyser les effets des projets sur les individus, leurs exploitations familiales ou autres unités productives et leurs ménages, plusieurs dimensions sont à prendre en considération:
- une dimension historique, celle des trajectoires d’évolution de ces exploitations familiales en lien avec les ressources et opportunités économiques dont elles ont tiré parti et des innovations technologiques et organisationnelles qui accompagnent certaines de ces trajectoires;
- les dynamiques de sorties de (et d’entrée dans) la pauvreté et leurs effets sur la sécurité alimentaires et l’état nutritionnel, qui en retour vont affecter ces dynamiques de sortie de la pauvreté ;
- leurs effets sur les relations au sein des ménages, l’organisation de la production et de la consommation, et ainsi sur l’égalité des genres;
Trajectoires d’évolution des exploitations familiales
Les trajectoires d’évolution des exploitations familiales sont de plus en plus divergentes. Certaines parviennent à tirer profit de opportunités des filières en expansion (coton, anacarde, riz, maïs, etc.) tandis que d’autres perdent leur patrimoine à peine acquis suite à des crises et ne parviennent pas à accumuler pour atteindre un seuil qui les mettent à l’abri des vicissitudes de l’existence.
Beaucoup d’interventions, du fait d’une sélection de filières jugées porteuses parmi celles ayant des débouchés à l’exportation ou permettant de réduire des importations, plutôt que parmi celles alimentant la production familiale et la transformation alimentaire artisanale pour des consommateurs sous régionaux de la « base de la pyramide » ont peu fait pour sortir les acteurs de ces filières locales de la pauvreté.
Des opportunités de marché se développent mais sont inégalement capturées
Certaines filières permettent la création de nombreux emplois locaux accessibles sans détenir de patrimoine. C’est le cas des filières basées sur des produits forestiers de cueillette comme le karité et incluant des activités de transformation accessibles sans grand capital (monétaire et de savoir-faire) initial. D’autres au contraire sont « pour les gros » producteurs, détenteurs de terre, ayant accès à la main d’œuvre et à des attelages ou tracteurs. Analyser les activités agricoles et les filières qu’elles alimentent en terme d’effets sur les dynamiques de sortie et d’entrée dans la pauvreté constitue un défi méthodologique et politique.
- Filières de produits forestiers non ligneux
- La pêche et ses migrations
- Economie des aires protégées (notes à écrire...)
Les innovations qui accompagnent ces trajectoires d’évolution
De nombreux paquets technologiques ont été promus à travers des interventions successives, avec des résultats contrastés. Certains n’ont presque pas été adoptés, d’autres ont été adoptés un court moment puis abandonnés tandis que d’autres enfin, ont été adoptés en marge des interventions et incorporés dans des processus d’innovations technologiques et socio-politiques complexes. Documenter et décrypter ces processus d’innovation qui combinent développements technologiques et transformations économiques et socio-politiques constituent un défi pour les sciences sociales et une exigence pour des politiques conséquentes.
Et que dire des processus autonomes d’innovation, fondés sur des technologies endogènes ou importées, en appui à des trajectoires de développement socio-économiques en marge des politiques et interventions publiques ? Comment les analyser et en ouvrir les logiques aux débats publics ?
Une innovation n’est pas simplement adoptée ou refusée, elle est souvent ajustée, façonnée, parfois réinventée; l’innovation incorporée dans des recommandations peut être rejetée mais les principes qui la sous-tendent incorporés dans les connaissances et pratiques. Les dimensions pratiques et cognitives sont donc à prendre en compte. De plus, l’évaluation et d’appropriation des innovations sont des phénomènes collectifs mobilisant des réseaux relationnels. Les théories de l’innovation sont revisitées en ce sens.
La traction animale, une innovation en expansion puis en régression
La traction animale a été introduite dans les années 70 et son adoption a suivi celle du coton dont elle permettait l’expansion des superficies. « Grand producteur » rimait avec détention d’attelage. Pourtant, le nombre d’attelages est actuellement en forte régression ceux-ci se concentrent dans de petites zones, malgré un nouveau déploiement du coton. Est ce une conséquence de la mécanisation et de l’utilisation des herbicides, d’un mauvais suivi sanitaire, de la scolarisation des enfants qui guidaient les attelages? Le suivi des trajectoires d’innovation nous aurait éclairé sur ces facteurs.
Les opérations culturales pour la plupart des spéculations agricoles évoluent en marge des recommandations des agronomes. Certaines de ces pratiques fragilisent les ressources productives et compromettent leur durabilité tandis que d’autres constituent des menaces à la sécurité sanitaire des denrées alimentaires. Il est besoin de sortir des analyses simplistes attribuant ces développements à l’ignorance et autres attributs socio-économiques élémentaires au sein des communautés paysannes. Des outils de la socio-anthropologie, de la gestion des exploitations et de l’économie politique sont nécessaires pour rendre justice aux processus sociaux ainsi à l’œuvre et éventuellement élargir les perspectives de l’action politique.
Études de cas (à écrire):
- pratiques post-récolte et risques d’intoxication alimentaire sur les céréales, les légumineuses et les tubercules au Nord, Centre et Sud Bénin (auteurs ???)
- utilisation des pesticides en maraichage urbain (Gbofan et Mongbo)
- l’évolution des techniques de cultures dans les systèmes maraichers du Sud-Bénin ou le dictat des ouvriers agricoles (Adjilé et Mongbo)
La croissance des revenus ne s’accompagne pas toujours d’une meilleure sécurité alimentaire
Malgré une augmentation de la production et des revenus des exploitations agricoles, la situation alimentaire dans les ménages reste précaire avec de longues périodes de soudure. La prospérité localement se définit souvent par le simple fait de pouvoir nourrir régulièrement son ménage et la pauvreté par l’incapacité à fonder un ménage du fait de l’incapacité à en nourrir les membres. Plusieurs phénomènes sont à analyser: certaines exploitations sont structurellement déficitaires en vivriers; beaucoup sont excédentaires mais vendent plus qu’elles ne devraient pour faire face à des dépenses jugées aujourd’hui incompressibles pour conserver sa dignité.
♦ Dans l’A-D, les interventions malgré parfois leur longévité, ne sont pas parvenues à modifier de façon visible la situation alimentaire des ménages. C’est parfois dû au choix des stratégies d’intervention qui ciblaient pas l’insécurité alimentaire, mais parfois plutôt à l’incapacité de toucher les ménages les plus vulnérables et à éviter que les bénéfices des interventions ne se concentrent sur une minorité capable de les capturer à son profit. L’étude de cas sur la chaine des effets du programme LISA qui visait particulièrement l’amélioration de la sécurité alimentaire illustre ce constat.
Grenier à Boukoumbé et stock paysan à Kérou
Des greniers qui se vident chez les uns pour des soudures de 6 mois tandis que les autres mettent en marché des surplus qui se comptent en dizaines de tonnes, à gauche un grenier vu du haut dans l’Ouest de l’Atacora, à droite, un stock dans une exploitation à l’Est
Ouvrir la boite noire du ménage
Les stratégies de promotion du genre oublient que les femmes sont socialement et économiquement insérées dans des ménages et souvent aussi dans des exploitations familiales. Tout au plus les voit on s’organiser en groupement, comme si celui-ci aussi n’était pas ancré dans un milieu social. Les modes d’organisation interne au sein des ménages évoluent et une autonomie économique croissante est concédée aux femmes dont la contribution monétaire aux dépenses des ménages ne cessent de s’accroitre. Néanmoins, leur accumulation de biens durables domestiques et productifs reste dérisoire et leur accès à la terre, sous le régime de la précarité. Il faut rentrer dans l’analyse des relations de contrôle des ressources et d’obligations au sein du ménage-exploitation agricole pour en savoir plus.
Ignorer les dynamiques de changement dans les ménages peut porter préjudice aux objectifs du projet
♦ Une étude de cas retrace comment les modes d’organisation de la production et de la consommation ont évolué au sein des ménages Bariba dans la commune de Pehunco où il y a quelques décennies, les femmes s’engageaient peu dans les activités agricoles et plus généralement dans la sphère productive.
♣ Une note méthodologique propose une démarche pour décortiquer les liens de production et de consommation entre membres des exploitations-ménages agricoles. Elle plaide pour un suivi des capitaux durables accumulés durant le cycle domestique par les hommes et par les femmes de façon indépendante. C’est à ce niveau que les inégalités d’opportunités et de droits sur les ressources se manifestent, rendant les femmes très dépendantes de leurs enfants quand elles vieillissent.
♠ La note théorique qui flanque cette note méthodologique permet de représenter le ménage-exploitation sous forme de modèles contrastés en termes de structures, objectifs et prise en compte des possibilités de marchandages internes que peuvent se permettre les divers membres du ménage en fonction de leur statut.
La biographie d’une femme de Toucountouna (A-D) illustre le prix à payer pour son autonomie; recueillie par Iles de Paix elle peut être lue dans le bulletin de la CTB
L’évaluation d’impact, les défis de la rigueur et de la richesse des facteurs explicatifs
Comment évaluer les impacts d’interventions complexes, multiformes et discontinues. Ici ce sont les questions de dispositifs et de méthodes qui sont débattues. En effet, si la reconstruction de la théorie du changement d’une intervention reste pertinente, elle présuppose une certaine permanence de cette intervention durant la durée du projet ainsi que la possibilité d’en isoler les effets. La réalité est plutôt un empilement d’interventions multiples dans les mêmes localités et des fluctuations dans le temps d’approches d’intervention, et parfois une disparition des situations « témoin » par intégration dans l’intervention (note étude_de_cas_impact_floquet). Tout ceci pose quelques défis de dispositifs et de méthodes.
♠ Des éléments des débats entre courants et écoles des études d’impact sont présentés ici, ainsi que les conséquences en termes de dispositifs et de méthodes d’évaluation de ces effets et impacts.
♣ L’intérêt des méthodes biographiques dans les études d’impact est développé ici, les éléments clef pour bien les mettre en oeuvre et les possibilités de mariage avec des méthodes quasi expérimentales et quantitatives.
PETITES HISTOIRES
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Téléchargements :
Etude de cas: Impacts LISA sur insécurité alimentaire (pdf)
Etude de cas: Effets d'intervention sur les relations au sein des ménages (pdf)
Note méthodologique: Comment analyser les EXFAM et leurs ménages (pdf)
Note théorique: Clefs d'analyse des relations intra-ménages et dimension genre (pdf)
Note théorique adoption d'innovations (pdf)